” Pendant 7 ans, j’ai pris la pilule Diane 35. L’effet est magique sur ma peau. Pourtant j’ai divers symptômes annexes. Après un tas d’analyses, les résultats tombent et me font éclater en sanglots”.

 

Nous sommes en 2020, j’aurais 39 ans dans 3 mois et aussi loin que je m’en souvienne la dermatillomanie a fait partie de mon visage et de mes habitudes depuis mon année de 1 ère au moins. Avant je n’en ai pas conscience. Je sais que me touche le visage dans l’espoir de faire partir ce qui ne va pas. J’ai de l’acné sur la zone médiane depuis mon année de 5ème. Mais aussi sur le haut du dos et buste. J’en suis assez triste car beaucoup de mes amis n’ont pas ou peu ce problème. Et ma mère, bien qu’elle souhaite m’aider, me critique beaucoup, et dit que j’ai hérité de la peau du coté paternel.

Depuis ma naissance je vis dans un environnement familiale très conflictuel et compliqué. Et bien sûr au final nuisible et destructeur. Sans rentrer dans les détails, la conséquence de tout ce passé est que je n’ai que ma mère pour seule famille. Mais avec le recul je ne m’en plains pas car il est préférable de s’éloigner des gens toxiques. Je constate juste que c’est la somme de toute cette souffrance non-dite, non exultée, qui se voit sur mon visage. Le visage n’est-il le reflet de notre âme ou de nos pensées ? Je ne peux qu’acquiescer.

C’est en 1 ère donc que je prends en pleine face le regard des autres. Surtout la remarque d’une fille dans ma classe un lundi matin. Elle se retourne vers moi pour me passer un livre ou je ne sais plus quoi, et elle me balance d’un coup « qu’est-ce-qui se passe avec ton visage pendant le we ? car vendredi dernier ton visage avait beaucoup moins de boutons, il se passe quoi ? » Et paf, je l’ai pas vu venir, pensant que mon maquillage avait bien son job. Et bien pas du tout. Mes autres amies autour lui disent que ça ne se fait pas de dire cela, que sa remarque est déplacée etc… Mais c’est trop tard, le mal est fait. Je rougie. J’ai l’impression que toute la classe a entendu. Du coup je lui réponds une méchanceté, une pique, pour me venger. Inutile de dire que nous n’étions juste que des camarades de classe. En revoyant des photos faites lors de sorties scolaires, je vois que ma peau est assez abîmée par rapport aux autres, surtout sur les joues, alors que mon acné n’est pas du tout sur cette zone. Je sais aussi que je ne peux me permettre d’être en débardeur ou en robe l’été car mon corps ne fait pas propre avec tout ces défauts, ces imperfections. Si je me mets au soleil pour améliorer cela, c’est toujours seule et dans un coin caché pour ne pas être remarquée. Mes séances d’auscultations ont toujours lieu le soir, dans la salle de bains, quand ma mère n’est pas là ou dort déjà. C’est comme un rdv journalier. Je peux y rester des heures, obnubilée par ce reflet que je refuse et que je trouve injuste. Je pris vraiment pour pouvoir trouver enfin un remède à cette laideur. C’est sur, je ne m’aime pas. Je fais plus figure de garçon manqué que de jeune fille heureuse. Je ne prends même pas conscience que mon corps est beau pourtant, que je suis assez athlétique, que je peux manger à ma faim sans prendre de kilos. Mon seul échappatoire à tout cette détresse est de me créer des scénarios ou tout va bien, et que les garçons que j’aime en secret m’aiment en retour.

C’est en 2001 en 1 ère année d’IUT que j’ai enfin mon 1 er petit ami. Comme il quitte sa copine pour moi, cela me réconforte et je me sens plus épanouie qu’avant. Ma mère accepte que je vois une gynéco pour avoir la pilule, sans que je lui demande quoi que ce soit. Je ne veux pas qu’elle s’immisce dans ma vie privée. Après avoir indiqué les antécédents familiaux (diabète, alcoolisme, soucis cardiaque) cette gynéco me prescrit donc une association de pilule – Androcur et Provames, ainsi que des antibiotiques et une crème de nuit. Le tout devra me permettre de retrouver une belle peau mais aussi de réguler mes règles, qui sont depuis longtemps très douloureuses et invalidantes mais aussi causes de malaises mensuels (mise en cause maternelle encore des gènes paternels).

Pendant 6 mois je vais mieux, je pense vraiment avoir trouvé mon âme sœur avec mon copain, le 1 er sera le bon et le seul et j’y crois. Il me fait prendre conscience que je suis belle, que mon corps est beau et me dit qu’il se sent vraiment heureux avec moi, et que je suis la mère de ses enfants. Bref, au bout de 9 mois, il me quitte, pour 95 % à cause de ma mère. Plus tard j’ai su qu’il a du me tromper, mais surtout qu’il était très axé sur ses études et donc que mon environnement familial lui était nocif. Je mets un an presque jour pour jour pour m’en remettre. Bizarrement je ne fais pas souffrir ma peau énormément, mais je pense qu’avec la pilule je cicatrise mieux qu’avant. Et surtout je me tartine le visage d’huile d’argan toutes les nuits. Cela me sauve car personne ne se doute de mon mal. Ainsi mon second petit ami ne constate rien non plus. Et le 3 ème non plus. En 2006, ma gynéco décide de me prescrire la pilule Diane 35 car je suis en couple depuis 3 ans avec la même personne, mais elle ne juge pas nécessaire de faire de nouvelles analyses de sang. Je lui fais confiance une fois de plus. Je me rends donc en pharmacie avec ma nouvelle ordonnance toute fière, car j’ai l’impression d’être dans la cour des grandes et d’avoir une pilule contraceptive pour « adulte ». Et en effet pendant 7 ans je subis cette pilule, l’effet est magique sur ma peau, mais je ressens pourtant des symptômes que je n’avais pas avant (migraines, saignement de nez, crampes aux mollets, grande frilosité en hiver, mal dans la poitrine, prise de poids malgré la pratique du sport). Mais comme mes principaux problèmes ont disparus (acné et règles douloureuses) je fais avec.

En 2012 je me trouve parfaite, je suis bronzée et ma peau est parfaite. Je passe mes plus belles vacances, amoureuse toujours du même homme et je commence un nouveau travail. Pendant l’hiver 2012 mon instinct me dit que je devrais faire des examens pour comprendre pourquoi les autres symptômes sont là encore. De plus je commence à entendre ou lire des articles sur Diane 35 et ses effets néfastes sur la santé (notamment des tumeurs au cerveau dans certains cas). En janvier 2013, je décide de prendre un rdv avec ma gynéco. D’habitude je ne la vois qu’une fois par an, mais là 6 mois se sont écoulés seulement. Je lui explique au téléphone pourquoi je souhaite la revoir, je veux surtout être rassurée sur ce que je lis ou entends sur la pilule Diane 35. Et voir pour une autre si possible. Et là contre toute attente je suis face à un mur. Je suis refroidie par le ton ferme et définitif de cette femme à qui j’ai accordée ma confiance, et qui m’a auscultée dans mon plus simple appareil. Elle me dit que ce sont des racontars, et qu’il n’y a pas lieu de faire d’autre analyse et que je dois continuer de prendre Diane. Quand je lui redemande tout de même un rdv elle me raccroche au nez.

Un mois plus tard, Diane 35 est retirée du marché. J’apprends ainsi que ce n’est pas une pilule contraceptive, et que j’aurai donc pu tomber enceinte pendant tout ce temps. Je prends un rdv avec mon médecin généraliste qui connaît mes soucis familiaux. Elle me fait faire tout un tat d’analyses, et les résultats qui tombent au bout d’un mois me font éclater en sanglots : je suis à deux doigts de faire une thrombose veineuse et il est peut être possible que je sois stérile à cause de cette pilule de 4 ème génération, bcp trop dosée pour mon corps et donc non adaptée et à proscrire (et non à me prescrire… une lettre qui change tout). Mais elle me conseille donc d’attendre au moins 3 mois afin de voir la réaction de mon corps, de refaire des analyses pour voir et constater que c’est bien Diane 35 qui m’a causé cela. Au bout de 3 mois, mon acné n’est pas trop revenue encore, et suite aux examens qui sont concluants, je peux prendre une pilule de 2 ème génération (pas plus dans mon cas) et ce sera Minidril. Bien sûr les effets ne sont aussi rapides et magiques qu’avant. Mes imperfections qui reviennent peu à peu sont plus difficiles à cacher. Et je pense que c’est vraiment à cette période que j’ai commencé à prendre de la distance avec mon corps. Et je sens bien qu’il expulse tout le néfaste accumulé depuis tant d’année. Je me sens vraiment perdue. Cet été 2013 est horrible car je tente de bronzer afin de cacher cet acné qui ressort, mais ce sont des tâches qui apparaissent et qui me font me sentir sale et moche. Mon visage est camouflé par une épaisse couche de fond de teint « mousse » de couleur plus pale que le reste, mon physique manque de cohérence.

Je me vois plus grosse que jamais. La balance me le montre bien aussi. Je me cache sous mes vêtements, je passe très vite du 38_40 à 44. Avec mon copain on ne cuisine pas, tous les repas sont presque que de la Junk Food. En 2014, mon visage est grumelé, surtout au niveau des joues et le front. Le livreur où je travaille me fait même une réflexion et me demande ce qui m’arrive. Je suis de nouveau complexée comme au collège sauf que je suis une adulte et que je suis la seule fille dans l’atelier où je travaille, donc je me dois d’être apprêtée tous les jours. Et pour le rester plusieurs retouches dans la journée font parti de mon quotidien. Cela dure jusqu’en 2016 avec des périodes plus ou moins dures à supporter. Les rituels sont les mêmes que pendant mon adolescence : rester le soir dans la salle de bains pendant des heures, toujours au moment du coucher. En tant que graphiste mon métier demande de la précision et de la minutie. Cela me dessert dans ma vie privée. Car c’est ce que je fais aussi sur mon visage : je deviens de plus en plus précise dans cette boucherie. Et comme je suis assez myope, je vois très trop bien – de près. Dès que je vois une petite boule de comédon je reste focalisée par ce besoin de l’enlever, dans l’espoir d’avoir enfin une peau lisse après ce massacre. Mais je ne comprends pas que je me « re contamine » en faisant cela. Mon acné n’a jamais été inflammatoire. Mais souvent c’est cette maladie qui rend ma peau ainsi. A cette époque aussi je cumule 3 abonnements mensuels de box beauté. J’essaye presque tous les produits, les nouveautés, qui sont efficaces pour certains. Mais cela me pourrit la peau au final. Je me sens « détraquée » de l’intérieur.

Vers le milieu de l’année 2016, je décide de ne plus prendre la pilule, pour revenir à un état naturel de mon corps. J’ai eu la chance d’être nourrie au Bio par ma mère pendant près de 10 ans. Mais je n’ai pas réussi à vivre en couple avec cette éducation. Et je ressens un besoin énorme de revenir à ces valeurs là. Je me renseigne un peu partout sur internet, sur les salons (Marjolaine surtout). Je fais un grand tri dans mes tiroirs et je me rends à l’évidence que tous ces produits toxiques m’ont coutés très chers. Coté maquillage je reste encore fidèle à mon fond de teint mousse qui me rend belle encore et qui camoufle toujours aussi bien mes actes de barbarie. J’utilise de nouveau de l’huile de jojoba et de l’aloé verra le soir, le combo me sauve la face pour le lendemain. J’arrive à maitriser mes pulsions destructrices en ce qui concerne le haut de mon dos et mon buste. Mais ce qui ne se voient pas – les épaules – reste bien souvent en charpie. Pour la période de l’été, j’arrive pourtant à me calmer le temps de bronzer afin que les marques de guerre que je mène pendant les autres mois de l’année soient atténuées, masquées, vouées à disparaître. Je suis en total « control freak ».

Cela joue forcement sur mes nerfs. Ce qui me réjouis dans le fait d’avoir arrêtée la prise de pilule est que mon cycle menstruel est redevenu normal, et je n’ai pas de malaise comme au collège ou lycée. Le paracétamol m’aide pour le 1 er jour douloureux. C’est pour moi une énorme victoire et un apaisement mensuel non négligeable. Cela me booste même pour continuer sur cette voie. Je recherche donc du maquillage Bio, sans composant chimique ni perturbateur endocrinien. Je regarde les comparatifs de « Que Choisir ». Et je tombe vraiment dénue face aux résultats sur les produits que j’utilise, ou que j’ai utilisé. Je réalise vraiment que je suis dans un cercle vicieux : mon acné d’adulte est là, mon Toc m’empêche de le soigner et l’empire, et pour finir j’utilise des produits qui me maintiennent dans cet état. Bref la totale ! En 2018, je commence à ressentir des douleurs aux épaules, aux cervicales et à la nuque. Je suis tendue, au travail je suis souvent à cran dès qu’il y a des erreurs, et je deviens encore plus exigeante vis à vis des autres et de moi-même. J’ai des vertiges et des douleurs sur le coté droit du ventre. Je pense soit avoir un ulcère, soit un début de crise d’appendicite, vu que je n’ai jamais eu. Un samedi de janvier 2019 j’ai une énorme migraine qui a duré toute la journée et qui s’intensifie le soir. Je décide d’aller aux urgences pour avoir un diagnostic. Entre le temps d’attente et ma prise en charge, j’y reste pendant 5h. On me donne de la codéïne qui fait enfin effet, et une ordonnance pour faire une IRM. Mais après cette IRM, rien n’est trouvé mis à part le fait que je suis à deux doigts de me faire une entorse aux cervicales. Et comme je manque d’exercices, on me conseille de me muscler le dos et la nuque avec des exercices simples à faire régulièrement. Comme je ne peux plus trop bouger la tête, je me « triture » moins le corps et le visage, car je ne peux me pencher ou me tourner pour voir mon dos.

C’est à cette période que je comprends que tous ces nouveaux symptômes sont dus au fait que je tire trop sur mon nerf vague. Mes « séances de contorsions » pour repérer mes défauts et imperfections au visage et dans mon dos me les ont créé. Et quand j’y repense j’ai souvent eu en fin de « séance » une douleur vive comme un nerf qui se coinçait. Au final je fais le constat suivant : mon propre bourreau.

Cette révélation ne me fait pas peur au final car je sens que je mets enfin le doigt sur une vérité que j’ai ignorée pendant plus de 20 ans, un soucis psychologique comme point de départ : le manque de confiance en moi, du à mon passé familial chaotique. J’ai voulu fermer les yeux et tenter me rester forte, seule, sans demander de l’aide. Non pas par fierté mais juste parce que c’est aussi mon trait de caractère, forgé par une éducation maternelle exclusive, qui est d’être une sorte de guerrière dans toute situation. Mais il faut bien l’avouer, c’est un échec. Pourtant si j’en prend conscience c’est qu’il n’est pas trop tard pour que je puisse m’en sortir.

Car c’est ce que je souhaite au fond de moi : je souhaite me retrouver et ainsi me libérer de tout cela.

Mes différentes recherches m’ont aussi permis de donner un nom à mon mal être. Je ne me suis jamais demandée si j’étais seule dans cette situation, car j’étais trop focalisée sur la honte ressentie. Mais j’ai pu découvrir qu’il existe beaucoup de personnes, avec des crises plus graves que les miennes en fin de compte. Cette découverte me donne de l’espoir et me confrontent à une autre réalité.

A bientôt 39 ans, sans enfant encore, je ne peux me permettre de continuer ainsi, je ne peux pas envisager de rester avec un trouble si je porte un jour la vie. Il est encore temps de régler ce soucis majeur, avant d’entamer les nouveaux chapitres de ma vie future.

Sur ce point, la période de confinement m’a été assez bénéfique. Contrainte au chômage partiel depuis mars, je suis restée chez moi tous les jours pratiquement. Au début je me suis reposée et apaisée. Mais quand j’ai compris que mon employeur a profité de cette période pour me mettre au placard, mon esprit a cédé au stress et à l’angoisse du lendemain, de ne plus avoir de salaire peut-être, de ne plus pouvoir payer mon loyer par la suite etc. Et cette fois mes crises ce sont intensifiées, surtout au niveau du dos et des épaules. J’arrive à me contrôler et à m’interdire de toucher mon visage. Et ma routine beauté s’en est même trouvé plus simplifiée, puisque je ne maquille pratiquement plus. Reste que mon corps est toujours atteint. Cela me fatigue psychologiquement car c’est une lutte constante, chaque jour et chaque soir et que je ne veux plus subir cela.

Pour m’aider j’ai pris la décision de voir une thérapeute pour cette rentrée. Ironie du sort, j’ai retrouvé son prospectus que j’avais pris je ne sais où il y a 5 ans au moins, quand j’ai emménagé dans la ville où je suis encore. Je comprends enfin que j’ai un besoin vital de me vider sur mon passé, de comprendre que je ne suis pas forcément coupable (ce que j’ai trop souvent entendu), et ainsi être plus indulgente envers mes choix et ma vie actuelle. Car c’est ce qui me manque le plus au final.

Je pense que l’acceptation de se faire aider passe par l’acceptation de reconnaître que l’on est malade. Ce n’est pas une honte, c’est humain au final. Cela prouve que l’on est surement plus sensible que d’autres, et que nos sentiments sont plus exacerbés que d’autres.

Ce qui m’a justement amené à réfléchir sur ce que je veux vraiment maintenant et ce que je ne veux plus dans ma vie.

J’ai donc des projets, à court terme qui sont de changer de société et d’employeur, et d’en trouver un qui sera plus à l’écoute et reconnaissant de mon travail.

Et aussi développer une passion qui est restée très longtemps dans un coin de ma tête : la pratique de l’aquarelle. Cela m’occupe l’esprit et les mains, et ma créativité inexploitée est enfin libre de s’exprimer. Ce qui enlève une partie de ma frustration.

Tous ces points positifs arrivent au bon moment, et rien n’est du au hasard. C’est mon parcours, mon chemin de vie. Et je ne suis pas sûre que j’aurais la même appréciation et satisfaction si j’avais du prendre d’autre chemin, et aller peut être trop vite sur la voie de ma guérison.

 

♥️ Témoignage à retrouver sur Instagram @peau.ssible

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