” Ma mère est bipolaire. La derma était un moyen de montrer au monde qu’elle n’était pas la seule à souffrir. En vain”.

 

D’aussi loin que je me rappelle, les rôles ont toujours été inversés avec ma mère.

Enfant, je vivais au gré de ses fluctuations d’humeurs et de ses divers maux : tantôt dépressive et suicidaire, tantôt « stabilisée » continuant sa vie comme si de rien n’était.

J’étais son oreille attentive, son exutoire, sa conseillère. Rarement sa fille.

Tout ce qu’elle n’osait pas dire aux autres, toutes ses émotions refoulées, elle m’en faisait part.

Mon comportement et mes sentiments à son égard étaient ambivalents et cycliques : tantôt triste et compatissante lorsqu’elle était au plus mal, puis distante et froide quand je réalisais que mes efforts étaient vains. J’éprouvais ensuite de la culpabilité à être si sèche avec elle, ce qui me poussais à retomber dans le pathos. Le cycle infernal…

La derma s’est manifestée à l’âge de 15-16 ans.

Je passais alors des heures, des nuits devant le miroir de la salle de bain, à tenter d’extraire ce qui était inextricable. Je pressais mes boutons d’ado, je m’épilais les sourcils trop consciencieusement.

Chaque repousse de poil m’était insupportable. Je me défigurais puis tentais de camoufler le tout, comme chaque dermatillomane sait le faire.

C’était un moyen de montrer au monde que ma mère n’était pas la seule à souffrir, en vain. Personne ne le remarquait, ni ma famille, ni les dermatologues. Personne.

Puis j’ai fini mes études, je suis entrée dans la vie active. Les crises étaient toujours là mais beaucoup plus gérables. Je dévorais les livres traitant de psychologie, de développement personnel, de relations mère-fille, dans le but de comprendre, d’aller mieux.

J’ai rencontré mon compagnon qui est d’un soutien presque sans faille. Je le remercie d’être ce qu’il est.

Tout récemment, j’ai dû à nouveau faire hospitaliser ma mère. Le diagnostic est posé : elle souffre de troubles bipolaires.

Je la vois pour la 1ère fois en phase maniaque, complètement déconnectée de son corps et de son esprit. Sa principale préoccupation concerne l’apparence. Surtout que tout soit lisse et beau !

La scène fait écho. Tous ces souvenirs si profondément enfouis refont surface. Je fais des liens. Je suis soulagée, attristée et en colère.

Après toutes ces années d’errance, je peux enfin mettre un nom sur la souffrance de ma mère et cela m’aide à comprendre pourquoi j’ai développé ce TOC en particulier.

Aujourd’hui, mes crises se sont bien atténuées, tant dans la fréquence que dans la violence. Je suis sur le chemin de la guérison.

Je m’écoute, je prendre soin de moi, je me forme à la naturopathie et suis très intéressée par les diverses techniques de gestion du stress.

Suite au diagnostic, nous avons décidé de commencer une thérapie familiale sur trois générations (ma mère, ma grand-mère maternelle, ma sœur et moi) pour que chacune puisse reprendre sa juste place, pour que la parole se libère enfin.

Je souhaite de tout mon cœur lui pardonner et faire la paix avec mon passé.

Ma maman n’est pas responsable.

 

♥️ Témoignage à retrouver sur Instagram @peau.ssible

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